Zamiatine, un écrivain anglais moscovite
Commentaires fermés sur Zamiatine, un écrivain anglais moscoviteEvgueni Zamiatine est un nom qui dit peu de chose aujourd’hui. Pourtant l’un de ses ouvrages : Au diable vauvert reste encore dans les mémoires. Il fut l’un des plus célèbres écrivains soviétiques des années 20. Nous autres et le scandale littéraire qu’il a provoqué, l’année du « grand tournant », ont longtemps occulté le reste de sa prose. Si certains de ses récits et nouvelles ont été republiés à la chute de l’Union soviétique, il n’existe pas, à ce jour, d’édition intégrale de ses œuvres en Russie.
« Je laisse rarement les gens entrer chez moi. Et, du dehors, vous ne verrez pas grand-chose », disait-il. Ayant l’art de la formule, il n’hésitait pas à se qualifier de « trigame ». En 1908 il épousait la même année la carrière littéraire, l’ingénierie navale et Lioudmila Oussova, une étudiante en médecine rencontrée à Saint-Pétersbourg sur les barricades de la révolution manquée de 1905.
Zamiatine était en effet ingénieur naval. En 1916, il supervisa la construction des brise-glaces de l’empire russe sur les chantiers d’Angleterre. C’est ainsi qu’il devint doué en langue anglaise. En lisant dans la presse britannique les titres « Revolution in Russia », « Abdication of Russian Tzar », il décida de rentrer et rejoint la Russie en septembre 1917, devenant alors un acteur majeur de la vie littéraire foisonnante des années vingt.
Deux anecdotes :
– Zamiatine fait preuve d’une audace folle. Dans une lettre adressée à Staline, il dénonce « la peine de mort littéraire » à laquelle il est condamné, moque la docilité des écrivains prolétariens et demande l’autorisation de quitter la Russie sans perdre son passeport soviétique. Sa requête, appuyée par Gorki, est satisfaite en octobre 1931. Il quitte Moscou pour Berlin, d’où il rejoint Paris en février 1932.
– De son propre aveu, le citoyen Zamiatine souffre d’hérésie chronique. Il passera, en effet, toute sa vie en marge des courants dominants : Anglais moscovite, ingénieur écrivain, fils de prêtre et bolchevik, garde-blanc pour la Tcheka… « Seule l’hérésie fait vivre le monde« , écrit-il en 1920, elle est la source de toute création.
Le snob flegmatique, l’Anglais moscovite, le diable des lettres soviétiques… ainsi se surnommait le polyglotte globe-trotter Zamiatine !